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Philippe Djian
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3 juin 2011

"Vengeances": l'enfer du vieillissement ausculté par Philippe Djian (Les Inrocks)

Une gamine sexy bouleverse la vie d’une poignée d’adultes vieillissants : dans Vengeances, Philippe Djian montre une génération bousillée par ses aînés.

Difficile de lire le nouveau Philippe Djian sans penser à l'affaire DSK : hommes vieillissants, désir frustré, jeune fille sans défense... et tout ça se terminera mal - pour la fille, s'entend. La gamine paumée et sexy qui débarque chez Marc, peintre quinqua et nouvellement séparé de sa seconde femme, fut la fiancée de son fils suicidé, Alexandre.

Si Gloria a les allures cool et trash d'une Betty Blue, Vengeances ressemble à un 37°2 le matin dont tous les protagonistes auraient pris un sacré coup de vieux et ne feraient plus que tourner en rond, gavés d'alcool et de coke (Djian a lu Ellis), sans plus trop savoir quoi faire de leur corps, vie, désir. Jusqu'au moment où le sexe reviendra tout dérégler, personnifié par la jeune fille...

Le désir inconscient, ou trop conscient, de l'homme mûr pour les nymphettes

Comment l'évacuer, d'ailleurs, ce désir inconscient (ou trop conscient ?) pas très net de l'homme mûr pour les nymphettes, qui hantait déjà le dernier Djian ? L'écrivain a trouvé : en éliminant l'objet du désir (la fille) et la pulsion sexuelle, incarnée ici dans le vieil ami du protagoniste, qui ne bande plus pour sa femme - regard misogyne sur la femme vieillissante (comprendre, plus assez désirable chez Djian) qui, en plus, se ridiculise à s'offrir à un Marc qui n'en veut plus non plus - et harcèle la jolie Gloria, jusqu'à être soupçonné de son viol à la fin.

Fin d'ailleurs bâclée qui nous restera en travers de la gorge : tout ça... pour ça ? C'est qu'à force d'avoir construit ces romans comme des thrillers avec menace planante tout du long, Djian nous a fait miroiter une résolution finale qui expliquerait tout. Au fond, peu lui importe : l'auteur prend d'abord soin de construire méticuleusement tous les cercles de cet enfer, coinçant ses personnages dans une répétition sans fin des mêmes beuveries désespérées, incapacités à jouir, parties sexuelles tristes : enfer du vieillissement, du renoncement, de la mort des illusions.

Même si les points de vue diffèrent comme dans un film où la caméra serait toujours placée différemment, renvoyant un autre aspect de la même scène, il n'y aura nulle échappatoire dans Vengeances. Et si la fin déçoit, le début transporte : à travers le suicide du fils de Marc, c'est au malheur de toute une jeunesse bousillée par les pathologies et les complaisances de leurs parents que Djian consacre ses meilleures pages.

"Les plus atteints étaient les jeunes, sans nul doute, ceux qui avaient une vingtaine d'années. Environ. Il suffisait de les regarder. Je l'avais réellement compris lors d'une petite réception chez nos voisins, quelques jours avant Noël. Lorsque mon fils de 18 ans, Alexandre, avait médusé, puis terrifié l'assistance en se tirant froidement une balle dans la tête. En s'effondrant sur le buffet."

Si ça, ça n'est pas du début... Dommage que le reste soit plus inégal.


Nelly Kaprièlian, Les Inrockuptibles n°809, 01/06/2011


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