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Philippe Djian
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6 juin 2011

Philippe Djian, artiste multiple (L'Express, 06/06/11)

Avec Vengeances, Philippe Djian confronte les générations et dynamite les sentiments. Rencontre.

Blouson, santiags et lunettes noirs, la panoplie est immuable. L'homme a beau vieillir (tout juste 62 ans), nous convier dans le cadre bucolique du parc des Buttes-Chaumont en cette chaude après-midi de printemps, il garde son éternel look de lecteur de Bukowski prêt à enfourcher sa Harley Davidson sur la route 66. C'est ici, non loin de ses trois enfants, que Philippe Djian vit dorénavant. Quand il n'est pas à Biarritz, à humer les embruns de l'Atlantique... Mais c'est bien dans son appartement du XIXe chic de l'Est parisien qu'il a fini, cloîtré trois mois durant et à l'arraché (le 2 avril 2011, à 23 h 41, comme indiqué à la dernière page), son nouveau roman, Vengeances, l'une de ces pertinentes chroniques familiales et générationnelles dont il a le secret. 

Pourquoi tant de précipitation ? "J'ai passé beaucoup de temps sur un projet qui n'a pas abouti", confie sans amertume aucune l'auteur de 37°2 le matin. Le projet en question était, il est vrai, de poids : la constitution d'un label à son nom, réunissant musiciens, auteurs, artistes divers, en utilisant les structures de Naïve, la maison de disques et d'édition de Patrick Zelnik, le créateur de Virgin France lui offrant même, à l'occasion, les murs de la Gaîté-Lyrique dont il est le président. Le temps de contacter quelques amis aux Etats-Unis et en France (Tim Robbins, James Frey, Sophie Calle, Jean-Philippe Toussaint...) et l'entreprise capote. Explications de Djian : "Zelnik était persuadé d'obtenir des fonds de la Caisse des dépôts et consignations, qui lui ont été finalement refusés." 

Restent les rencontres, fructueuses, qui pourront toujours être réactivées un jour, et... Stephan Eicher, avec lequel Philippe Djian se produit de plus en plus sur scène. Non, contrairement aux apparences, en rockers invétérés, mais pour un concert littéraire : une heure et demie durant laquelle l'interprète de Déjeuner en paix et son parolier, accompagnés de trois musiciens, alternent chansons, lectures d'inédits, bouts de romans, improvisations : "Que du plaisir, une vraie récréation, s'enthousiasme le romancier, et ça marche de mieux en mieux. Nous avons joué à Montréal, en Belgique, en province, à Rungis, à Courbevoie... C'est très amusant de se faire applaudir." Chez Gallimard, qui avait programmé le livre début juin (un vrai pari), on s'amusait beaucoup moins jusqu'à ce 2 avril...  

Avec Vengeances, titre déclic, sec, comme il les affectionne (Incidences, Impardonnables, Impuretés), Djian confronte deux générations : la sienne, celle, grosso modo, des 45-60 ans, qui "occupe le terrain depuis longtemps, trop aux yeux de certains", et celle des 20-30 ans, privés de désinvolture, souvent au chômage et aux prises avec l'alcool. Le roman s'ouvre sur le suicide d'Alexandre, 18 ans, fils de Marc, artiste en vogue brûlant la chandelle par les deux bouts. 

Tout est-il périssable, l'art, l'amour, l'amitié ?

Un suicide qui sonne comme une détonation dans la vie du quinquagénaire. Tout s'effrite, soudain : ses sculptures, son couple, ses amitiés. Bras armé de la vengeance, Gloria, l'énigmatique ex-petite amie d'Alexandre, que Marc a ramassée, ivre, dans le métro, à l'aube. 

A son contact, Marc tente d'en savoir plus sur les sentiments de son fils à son égard, se remémore leurs relations - de plus en plus distendues - s'interroge sur sa culpabilité éventuelle. Avec Michel et Anne, ses meilleurs amis, la situation se complique. Entre deux verres d'alcool et deux lignes de coke - on en consomme beaucoup sous la plume de Djian - Michel en pince pour Gloria et Anne fait des avances à Marc.  

Tout est-il périssable ? L'art ? L'amour ? L'amitié ? Comment préserver l'essentiel sans renoncer à ses enthousiasmes ? Que transmettre quand on est soi-même chaotique ? Autant de questions - universelles - que Vengeances brasse sur un rythme tenu. La claustration n'a pas que du mauvais. 

Marianne Payot, L'Express, 06/06/2011

 

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