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Philippe Djian
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14 août 2011

Impardonnables, d'A. Téchiné : Venise sombre en beauté (Sud Ouest, 14 août 2011)

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Cette histoire aurait tout pour plaire : la ville de Venise comme on la voit rarement, côté lagune, des personnages de tous âges, une disparition, deux filatures, du romanesque en diable, et la beauté luminescente de certaines fresques italiennes. Pourtant, est-ce l'univers de Djian qui est non soluble au cinéma de Téchiné, ou André Téchiné lui-même qui, à la tête d'une œuvre importante, peine à renouveler son inspiration ? Impardonnables semble ne jamais trouver sa note juste.

Ce pourrait être d'ailleurs le sujet du film, motif souterrain d'une intrigue mal fagotée où les indices prolifèrent mais où rien ne se passe, où les personnages se cherchent mais n'étreignent rien, où Venise même, vue de l'île Sant'Erasmo, n'en finit pas de menacer mais accouche d'une souris. Ne soyons pas injuste non plus : il y a quelque chose d'inatteignable dans cette histoire qui, au bout du compte, saisit la détresse des enfants, la difficulté des adultes, les vies qui s'effilochent, les couples qui se rabibochent et les jeunes gens perdus. Le tout dans une ville de romance, condamnée au naufrage, et non comme dans le roman, sur la Côte basque. André Téchiné y avait déjà tourné Hôtel des Amériques. Il a préféré filer à Venise, dont il ne filme ni le décor ni la splendeur, mais dont il capte la lumière, une sorte de douceur et de sauvagerie conjuguées.

Sortilèges inopérants

Dans ce lieu de rêve, Francis, écrivain (André Dussollier), cherche à s'installer pour écrire son roman. Judith, un agent immobilier (Carole Bouquet), lui conseille une vieille maison du côté de la lagune. La jeune femme lui plaît immédiatement. Il lui propose de vivre avec elle et, quelques mois plus tard, on les retrouve en couple, venant accueillir Alice (Mélanie Thierry), la fille de Francis, et Vicky, la fille d'Alice.

Cette façon d'avancer à grandes enjambées dans l'histoire donne à la dramaturgie une vitalité qui n'est certes pas celle d'une cité morte. D'ailleurs, on se déplace beaucoup ici, et de toutes les façons qui soient, par bateau ou à pied, pour se séduire ou pour fuir, pour se rejoindre ou pour s'entre-tuer, comme si toujours, le cinéaste privilégiait les muscles aux états d'âme et l'action à l'humeur.

À peine arrivée, Alice disparaît, et cette disparition, qui pourrait être une simple fugue, met Francis en état d'alerte. À partir de là, tout ce qui arrive semble articulé par un démiurge, comme si l'écrivain en panne d'inspiration brodait sur sa propre vie pour produire de l'événement. Ne dit-il pas lui-même : « Je voulais voir ce qui allait se passer » lorsque, plus tard, Judith lui reproche de l'avoir fait suivre ? Par pure jalousie, il a provoqué la seule chose qu'il ne voulait pas, du moins consciemment, et il en est de même pour sa fille Alice, qui file le parfait amour loin de lui, tandis qu'il continue de payer un détective pour la retrouver.

Ce fantasme substitué au réel pourrait donner un grand film secret aux souterrains bouleversants. Or, en permanence, on a l'impression d'un cinéaste qui court après sa fiction, flanqué de personnages ayant perdu en vérité ce qu'ils ont gagné en agissements. En gros, les intentions se voient et l'intrigue s'empêtre par manque de nécessité. Impardonnables est l'histoire d'un écrivain qui se fait un monde de pas grand-chose. Mais ce monde-là agite des sortilèges inopérants.

Sophie Avon, Sud Ouest, 14/08/11

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Commentaires
M
Il y a toujours plus de blogs mais peu valent le coup, le votre est vraiment sympa !
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