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Philippe Djian
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15 décembre 2012

"Le labyrinthe de Lou Reed", par Philippe Djian (Le Figaro, 14/12/12)

 

Le labyrinthe de Lou Reed



"Une photo ne devrait jamais avoir de titre, proposer quelque commentaire que ce soit. Une photo doit être un voyage non accompagné, intime.
Il y en a trois cent cinquante ici, dans ce gros volume. Bout à bout, elles forment une sorte d'onde, de flux silencieux, elles racontent une histoire qui ne finit jamais. Merci, Lou. Puis-je vous appeler Lou? Ça ne fait rien. Je ferais pareil à votre place. Merci, en tout cas. Vous m'avez fait du bien. En ce moment, il y a vous et l'album de The Lumineers pour me faire du bien. Je me demande si nos grands-parents avaient l'équivalent durant la crise de 29. Je le leur souhaite. Ils en ont bavé eux aussi.

 

Lou, vous m'avez fait du bien…

En tout cas, merci pour votre livre. Je vous ai su gré de votre humilité, je vous ai su gré de votre mutisme — même si c'est un peu plus compliqué que ça —, je vous ai su gré de la confiance que vous nous accordiez. C'est assez rare chez les célébrités telles que vous, de ça, de ne pas vouloir se mettre en avant, de ne pas la ramener d'une manière ou d'une autre. Merci de faire appel à notre sensibilité, notre intelligence.
Il faut s'asseoir et prendre ce livre sur ses genoux. S'installer dehors avant les premières gelées, s'isoler. Caresser les pages. Plisser les yeux. Remonter son col. Être discrètement ivre. C'est un jeu. Lou, c'est un merveilleux labyrinthe. Monsieur Reed, c'est de votre vie qu'il s'agit aussi et croyez que je mesure le don que vous nous faites — de spectateurs nous transformer en acteur, en participants. Non, ça ne me gêne pas de vous appeler Monsieur Reed, au contraire. Ça vous va bien. Je ne vais pas me mettre à vous tutoyer, Lou.
Je pense que votre musique m'a aidé. Pas simplement à pénétrer votre livre, à m'y sentir bien sur-le-champ, à y vagabonder, mais aussi aidé à mieux vous connaître — vous êtes si éloigné de ce type mal embouché, horrible, que des générations de journalistes ont décrit à longueur d'articles, si différent, il suffit d'observer le monde à travers vos yeux pour s'en convaincre, de parcourir toutes ces photos pour voir à quel point ils se gourent - ils sont si facilement manipulables.
L'autre jour, ma fille qui a vingt ans vous écoutait et, voyant le plaisir que manifestement elle y prenait, je me suis approché avec votre livre et je lui ai dit qu'il n'y avait qu'à tourner les pages, que c'était votre nouvelle contribution à l'édifice commun, puis j'ai fait demi-tour. Je n'avais pas d'autre explication à lui donner, ça suffisait bien. Et plus tard, elle a levé la tête, elle m'a cherché des yeux, et elle a opiné. Ça ne m'a pas surpris, venant d'elle."

 Ph. Djian

 

 


Dernier ouvrage de Philippe Djian paru: "Oh..." (Gallimard).
Rimes/Rhymes, photos de Lou Reed, textes de Bernard Comment, Éditions Photosynthèses ,350 p., 70€.

 

 

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Commentaires
C
Si longtemps que je te lis, que je t'aime, que je t'aime, que j'oublie tout quand suis dans tes livres sous ma couette, que tu me fais exploser de rire de ton humour noir, pas si noir que ça!<br /> <br /> T'as tout compris de la vie, de l'être humain, du bonheur, du malheur , de la nature<br /> <br /> et toutes ces choses qui se delient sous ta plume<br /> <br /> <br /> <br /> Portes toi bien longtemps longtemps<br /> <br /> Lot of Love<br /> <br /> <br /> <br /> Carole
L
Tout-à-fait d'accord ! Le problème est que nous somme apparemment une minorité à le penser puisque nous sommes une minorité à en (sur) vivre.
C
Salut Philippe,<br /> <br /> <br /> <br /> Abonnée à ton blog, ma femme m'a réveillé ce matin en me lisant ton texte magnifique sur Lou Reed. Je dois te dire qu'il m'a ému aux larmes. J'ai dit: "Tu vois, c'est pour ça qu'on traverse des déserts, qu'on écrit avec de la ficelle ou qu'on construit des temples en carton, pour qu'un jour quelqu'un écrive quelque chose comme ça sur vous". Tu as tout dit, le respect, la distance, la suggestion et la transmission. <br /> <br /> Une œuvre quelle qu'elle soit importe pour la trace qu'elle laisse dans la mémoire, comme la queue de la comète... <br /> <br /> <br /> <br /> Ici aussi, à New York, ledit Lou Reed n'a pas la réputation d'être un personnage aimable, mais est-ce important? Que savait-on de la personnalité de Rembrandt, de Baudelaire, Bernard Palissy, Audubon ou Pasteur. Il y a ce qu'on est, ce qu'on fait, et ce qu'on représente. <br /> <br /> Les créateurs existent par ce qu'ils font. C'est aussi simple que ça.<br /> <br /> <br /> <br /> Lou Reed ne mérite pas le respect parce qu'il s'appelle Lou Reed, mais il ne mérite pas qu'on le conspue parce qu'il fait autre chose que ce qu'on attend de lui.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes dans une société d'apparences et la "vérité" aujourd'hui se voudrait médiatique. Les juges sont installés derrière des computeurs portables et ils adoubent ou t'envoient sur le bûcher en fonction de critères aussi aléatoires qu'imprévisibles.<br /> <br /> <br /> <br /> Le texte que tu as écrit prouve une fois de plus, Philippe, ton intelligence et ta liberté d'esprit, raconté dans le style rapide, moderne et concis que j'apprécie de toi. <br /> <br /> <br /> <br /> L'Art est une histoire de sens, et de foi: on croit ou on y croit pas. Pour les agnostiques, le rituel des communiants relève de l'absurde, il en va de même pour toute œuvre d'Art, on peut l'accepter ou la refuser, ça ne change rien à ça qu'elle est.<br /> <br /> <br /> <br /> Encore un fois, merci Philippe.<br /> <br /> <br /> <br /> All the best<br /> <br /> Dans l'Absolu.<br /> <br /> <br /> <br /> CharlElie
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