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Philippe Djian
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16 octobre 2013

"Le chanteur abandonné" (Valérie Trierweiler, Paris-Match, 15/10/13)

Love Song, Philippe Djian

 

Dans « Love Song », Philippe Djian met en scène un rockeur désabusé, trahi par son époque. Comme son héros, l’écrivain ne manque pas de style.

De prime abord, il s’agit d’un livre aussi savoureux, aussi fluide qu’une bonne mélodie à écouter un dimanche soir lorsque la journée commence à s’évaporer. L’histoire se concentre sur un chanteur malheureux. Le texte accroche ­immédiatement par son rythme enjoué et dramatique à la fois. Daniel est, à 50 ans, en pleine remise en question. Banale song. Mais le rockeur ne fait que subir une situation dont il est la ­première victime. Voici huit mois qu’il tente de se reconstruire après le départ de sa femme, Rachel. Un départ qu’il n’a ­toujours pas encaissé, d’autant qu’elle s’est envolée avec l’un de ses musiciens. Et pas le meilleur. Comme si cela ne suffisait pas, son manager lui demande d’adapter sa musique à la réalité du ­marché. Les ventes ne font que baisser, et Walter, l’ami et ­manager, attend une musique plus commerciale. Horreur.

“Love Song décortique le sentiment d'attachement”

Philippe Djian, on le sait, a la réputation d’être un « écrivain rock ». Il a écrit les meilleures chansons de Stephan Eicher avec lequel il est très lié. Les deux compères sont même montés sur scène ensemble. « Love Song » n’est donc pas seulement une ­vision de l’amour-désamour. L’écrivain, qui signe là son vingt-sixième roman, en profite pour diffuser un véritable message à l’encontre des maisons de disques. Il ne faut pas le pousser beaucoup pour l’entendre dénoncer le « mainstream » et la culture de masse. Tout ce que déteste Djian, ces marchands qui pensent à l’argent avant la musique. Mais même dans sa propre littérature, l’auteur entraîne son héros à devoir céder aux ­costumes gris. C’est à ce moment ­précis de remise en cause ­professionnelle que Rachel décide de rentrer au bercail. Terminée, l’escapade avec l’amant. ­Daniel tente de s’en convaincre : huit mois avec un autre compteront toujours moins que les vingt ans passés ensemble. Il accepte son ­retour parce qu’il n’a pas le choix. « J’étais son prisonnier à vie. […] Je la désirais trop. De là provenait ma ­faiblesse, à l’évidence. De là provenait ma lâcheté, de cette peur de la perdre. » Un Djian ne ­serait pas un Djian sans les scènes de sexe. Elles y sont. Mais lorsque Rachel lui annonce qu’elle est enceinte de « l’autre », le retour se complique.

« Love Song » décortique le sentiment d’attachement, ce qui relève de l’essentiel. Si Rachel est celle qui ­aimante le héros, elle n’est cependant pas la plus passionnante. Les personnages secondaires ­occupent une place réelle, ils sont ceux que le lecteur a le plus de plaisir à ­côtoyer. Walter, qui est également le frère de Rachel, et Amanda, recyclée en prostituée à 70 ans afin de payer ses doses de drogue, sont les plus complexes. Toujours sur le thème de l’attachement, Djian évoque l’amitié, la fidélité et la paternité. Mais c’est surtout le refrain de la trahison qui domine. Dans un style plus radical ­encore que précédemment, l’écrivain tente de nouvelles expériences. Il a supprimé les points d’interrogation à la fin des questions, comme le passé simple. Mais le passé de son héros n’est pas simple.

Valérie Trierweiler, Paris-Match, 15/10/13

 

Commander Love Song

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