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Philippe Djian
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4 octobre 2013

Requiem pour le rock, par François Busnel (L'Express, 02/10/13)

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Ne dites jamais à Philippe Djian qu'il est un écrivain rock. Même s'il compose des chansons (pas moins de neuf pour le dernier album de son ami Stephan Eicher). Et puis, de toute façon, c'est une invention de journaliste en mal d'étiquette, ça, "écrivain rock". Djian vous le dira: le rock est mort. Et le personnage principal de son nouveau -et très bon- roman vous le confirmera: l'industrie du disque a définitivement tué la création.


"Philippe Djian nous offre un cadeau magnifique"



Daniel, musicien accompli, auteur d'une dizaine d'albums à succès, doit faire face aux récriminations de plus en plus vives de sa maison de disques: ses nouveaux morceaux sont trop sombres, trop noirs, pas assez "commerciaux". Le patron du label, un ancien passionné de musique vaincu par un chèque à quintuple zéro pour exiger du "cool", de "l'optimisme" et du "vendeur", ce patron qui fut autrefois un fan résume bien la situation lorsqu'il s'adresse à l'artiste: "Sois un peu pragmatique. Tu n'iras pas en enfer pour deux petites concessions arrachées à ta noirceur. On ne te demande pas de te renier, figure-toi." L'hypocrisie et le chantage, nouvelles coulisses de l'industrie culturelle, telle est la toile de fond de Love Song, roman audacieux, provocateur et diablement enlevé, parcouru par un perpétuel questionnement sur la culpabilité.

Car Daniel n'est pas seulement en butte aux exigences financières de ces ronds-de-cuir qui, un peu partout, vident la culture de son sens. Il doit faire face à la femme qu'il aime. Rachel l'avait sévèrement plaqué huit mois auparavant. Rachel, donc, est de retour. Enceinte de son amant, dont elle est maintenant séparée. Elle revient au bercail, mais pour faire chambre à part. On a beau avoir les idées larges, il faut une certaine dose d'abnégation pour accepter d'élever le rejeton de son rival sans jamais plus toucher sa femme... Comment expliquer cette faculté qu'ont les hommes à toujours travailler à leur propre destruction, à se donner les mauvais maîtres? Voilà ce que se demande Philippe Djian, qui excelle dans l'art de placer ses personnages au milieu de courants trop forts. Il nous offre un cadeau magnifique: nous permettre, à nous, lecteurs, qui les regardons nager, d'en apprendre un peu plus sur nous-mêmes. Le rock est mort ? Vive la littérature !  

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